Niché au coeur d’Abidjan, le cabinet Koffi & Diabaté s’évertue depuis plus d’une vingtaine d’année à imaginer et inventer la ville de demain. À l’échelle du continent leur réputation n’est plus à faire et leur credo « Habiter autrement » résume à lui seul leur approche de l’architecture qui allie prodigieusement modernité et tradition africaine.
Si le concept de ville verte ou ville durable a connu son apogée autour des années 1990-2000, la prise en compte des principes de développement durable et les réflexions à l’échelle locale se sont installées comme éléments incontournables de la planification urbaine. Pourtant, force est de constater que l’idéal de ville durable peine à sortir du concept pour se décliner dans les territoires. Économiquement viable, socialement vivable et respectueuse de l’environnement, nos conceptions modernes du milieu urbain s’attachent à adopter une approche globale et se heurtent souvent à réalité du terrain ou aux stratégies marketing qui n’ont d’autres conséquences que de vider le concept de son sens.
Après l’éco-quartier d’Abatta qui s’étend sur près de trois hectares sur les rives de la lagune d’Abidjan, le nouveau projet lancé par la firme se décline à une échelle plus importante puisqu’il concerne cette fois tout un village : Ebrah. Face à l’expansion anarchique d’Abidjan, le manque de planification et le rythme effréné auquel croît la ville donne lieu à un urbanisme « par défaut » comme le dénonçait Issa Diabaté dans un entretien paru dans Forbes en 2022. Démographie, mixité sociale, mobilité, logements sociaux, qualité du bâti, salubrité : voilà autant de points de tension auquel les deux architectes tentent de répondre en imaginant Ebrah. L’idée est de construire autour de l’existant en conservant le village actuel tout en lui donnant les moyen de grandir dans une perspective respectueuse de l’environnement mais aussi des us et coutumes locales. Dans le cadre de cette approche globale d'urbanisme, un travail en étroite collaboration avec les habitants locaux, en particulier les chefs de terre a été mené. L’idée est d’élaborer une vision concertée qui aboutira à un système de péréquation dans lequel il reste à définir la repartition des rôles au sein de la communauté d’Ebrah. Si le village demeure, des logements dont 80 % seront proposés à des loyers modérés sortiront progressivement de terre. Derrière cette décision, il y a la volonté d’attirer un large éventail d’habitants allant de jeunes actifs à retraités le tout dans une logique de mixité sociale. La question de la population cible reste tout de même un des principaux défis du projet puisque l’enjeu est de dynamiser l'environnement en attirant différents segments de la population tout en conservant l'échelle du village qui fonde en grande partie l’identité au projet.