Abidjan, Côte d’Ivoire – Du 6 au 8 août 2024, Abidjan a accueilli un atelier décisif pour l'avenir climatique de l'Afrique de l’Ouest. Organisé par la Commission de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), cet événement a réuni des représentants des États membres, des institutions régionales, ainsi que des experts du marché carbone afin de poser les fondations d’un marché standardisé de crédits carbone. Cette initiative vise à faire de l’Afrique de l’Ouest un acteur clé du marché global des crédits carbone, tout en répondant aux besoins urgents d'atténuation des effets du changement climatique dans une région particulièrement vulnérable.
Un contexte climatique critique et des opportunités sous-exploitées
L’Afrique, responsable de moins de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, subit de manière disproportionnée les effets du changement climatique, avec des phénomènes extrêmes tels que sécheresses, inondations et désertifications. Selon la Banque africaine de développement (BAD), ces impacts pourraient réduire de 2 à 4 % la croissance économique annuelle de l’Afrique subsaharienne d’ici 2040.
Malgré cette réalité, le continent reste sous-représenté sur le marché mondial des crédits carbone. Seuls 2 % des projets climatiques financés dans le monde aboutissent à des transactions commerciales en Afrique.
Mme Massandje Touré-Litsé, Commissaire aux Affaires Économiques et à l’Agriculture de la CEDEAO, a souligné, dans son discours d’ouverture, l’importance de cette initiative pour la région, tout en reconnaissant les obstacles à surmonter. « Entre 2010 et 2023, la région de la CEDEAO n’a émis que 9 % des crédits carbone volontaires d’Afrique, soit trois fois moins que le Kenya seul », a-t-elle expliqué. Ce retard s'explique par des faiblesses institutionnelles, une méconnaissance des mécanismes financiers liés au carbone, et une asymétrie d’information entre les vendeurs et les acheteurs de crédits carbone.
M. Parfait Kouadio, directeur de cabinet et représentant du Ministre de l’Environnement, du Développement Durable et de la Transition écologique de Côte d'Ivoire, a réitéré l'urgence d'agir et a annoncé la création d’un Bureau Marché Carbone en août 2024, signalant l'engagement du pays à participer activement à cette dynamique régionale.
Un projet ambitieux pour capter une part du marché mondial des crédits carbone
Consciente de ces défis, la CEDEAO a pris une initiative ambitieuse : créer un marché standardisé des crédits carbone pour l'Afrique de l'Ouest. L’atelier d’Abidjan, organisé à cet effet, a permis de franchir une étape clé dans l’élaboration de ce marché. Les discussions ont porté sur les bases réglementaires, institutionnelles et techniques nécessaires à la mise en place d’un cadre solide, garantissant transparence et efficacité dans les transactions de crédits carbone.
Cet atelier visait à valider plusieurs documents techniques cruciaux : une analyse des potentiels de réduction et de séquestration de carbone dans la région, un diagnostic des mesures prises par les États membres en matière de mise en œuvre de l'Article 6 de l’Accord de Paris, un rapport sur la situation de référence tenant compte des relations entre les marchés carbones (volontaires, réglementés, nationaux et internationaux) ainsi qu’un projet de cadre réglementaire et institutionnel pour réguler le marché carbone régional.
Un marché régional, un enjeu global
L’initiative de la CEDEAO pour un marché standardisé des crédits carbone pourrait transformer le paysage climatique et économique de l'Afrique de l’Ouest. En valorisant les efforts de réduction des émissions, ce marché permettrait non seulement de mobiliser des financements pour les projets climatiques régionaux, mais aussi de stimuler le développement durable et l’innovation.
L’atelier d’Abidjan marque une étape essentielle dans la mise en œuvre de cette vision ambitieuse. Les discussions, riches et constructives, ont permis de clarifier les enjeux, d’affiner les documents techniques et de renforcer l’engagement politique autour de ce projet. En créant un marché crédible, transparent et inclusif, l'Afrique de l'Ouest pourrait enfin capter une part significative du marché mondial des crédits carbone, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique tout en offrant des opportunités économiques à ses populations.
Les discussions tenues à Abidjan témoignent d’une volonté collective de changer de paradigme, et avec le soutien des acteurs locaux et internationaux, l’Afrique de l’Ouest est en bonne voie pour transformer ses vulnérabilités climatiques en atouts économiques.